Journal d'Irune Selenis

Assise au bord du puits de Lune dans le parc de Hurlevent, une jeune femme rousse au visage serein et doux tient sur ses genoux un livre ouvert. Elle trempe sa plume dans un encrier et commence à écrire avec soin.

Hier soir je me suis engagée dans les Lames de Galen, rejoignant ainsi mes anciens compagnons. Une nouvelle page de ma vie s'ouvre, et c'est je crois le bon moment pour regarder en arrière et faire le point.

Je me nomme Irune Selenis, et je suis née voilà vingt-cinq ans dans la cité de Hurlevent. A cette époque, la ville était en pleine reconstruction suite à son ravage par les orcs.
Ma mère était une prêtresse de la Cathédrale de Lumière, mon père un soldat de l'armée royale qui avait survécu à la prise de Hurlevent.
Ainsi, dès mon plus jeune âge, j'ai été confrontée aux influences contradictoires et complémentaires de la guerre et de la médecine. Violence et mort, protection et défense, soins et force de vie. Tout cela a sans nul doute contribué à forger l'être que je suis à présent.

Mon père avait bien espéré secrètement que je me tiendrais loin des champs de bataille, mais je ne suivis pas pour autant la voie de ma mère.
Je voulais parcourir le monde.
Et surtout, le dogme de la Cathédrale soulevait en moi plus de questions qu'il n'apportait de réponses. Il me semblait que beaucoup de membres du clergé suivaient aveuglément les règles établies, sans s'interroger sur leur sens et sur leur fondement.
Mes pouvoirs guérisseurs s’étaient révélés assez tôt, et je fus admise en noviciat à la Cathédrale. Mais j’avais aussi d’autres dons, plus sombres, dangereux. De cela, personne ne parlait, et je craignais trop l’anathème pour oser aborder le sujet.
Ainsi, une part de mon pouvoir resta en sommeil durant des années.

Un jour, mon chemin croisa celui des Gardiens de la Flamme. Leur chef, Brendel Ladigan, était un démoniste à l’âme tourmentée.
Mes supérieurs considéraient ses pareils comme des créatures damnées, assoiffées de pouvoir et de destruction, ne valant pas mieux que les démons qui les servent.
Cependant, je ne trouvai rien de tout cela chez cet homme.
Comme moi, il s’interrogeait sur la nature de ses pouvoirs.
Comme moi, il voulait les maîtriser sans avoir à se renier.
Et surtout, lui et les siens étaient des voyageurs dotés d’un idéal fort.
Finalement, je quittai le clergé de Hurlevent pour rejoindre les Gardiens. Je combattis sous leurs couleurs, mais sans vraiment trouver la sérénité de l’âme que je recherchais.
Quand les Gardiens se séparèrent, je restai seule avec celui qui était devenu mon compagnon d’armes et mon ami, un solide guerrier draenei nommé Kalvor. Ensemble, nous avons voyagé, jusque sur le lointain continent de Kalimdor, louant nos services à la manière de deux mercenaires.

Et un soir, mes pas m’ont conduite jusqu’à Darnassus.

La jeune femme pose sa plume, et sourit, contemplant la surface irisée du puits de Lune d’un regard rêveur. Puis elle reprend son écriture.

La nuit était claire et calme sur la belle cité elfique. Ne sachant où aller dans cette ville inconnue, je me dirigeai vers le temple dont on m’avait vanté la beauté.
Lorsque je rentrai sous le dôme baigné d’une lumière argentée, une paix infinie m’envahit. Emerveillée, je m’agenouillai au bord du Puits de Lune. Je crois que j’ai pleuré. J’ai dû rester là des heures, sans bouger.
Et la Déesse m’a parlé.
Je ne saurais décrire les visions qui ont traversé mon esprit, emportant mes doutes et éclairant ma pensée. Mais aujourd’hui, je sais où est ma voie. La Lune aux deux visages, lumière et nuit, guide ma route.
Et maintenant, je peux reprendre la lutte. La menace est toujours là, plus insidieuse que jamais. J’ai déjà alerté le général des Lames. Nous nous battrons. Et mes compagnons auront besoin de mes pouvoirs. Tous mes pouvoirs.